Physiopathologie et thérapie des maladies mitochondriales

Les maladies mitochondriales constituent un vaste groupe de maladies génétiques rares affectant collectivement au moins 1 personne sur 5 000. Il n’y a pas de traitement à ce jour. Elles sont causées par des dysfonctionnements du système de phosphorylation oxydative (OXPHOS) dans les mitochondries entraînant un déficit énergétique, une accumulation de métabolites et une génération accrue d’espèces réactives de l’oxygène. Les maladies mitochondriales sont très hétérogènes tant d’un point de vue clinique que génétique, elles sont multi-systémique ou tissus spécifiques. L’objectif principal de notre recherche est de mieux comprendre les mécanismes moléculaires et biochimiques des dysfonctionnements mitochondriaux, condition préalable au développement de stratégies rationnelles pour les combattre.

1. Mitochondrie: radiateur cellulaire

 L’oxydation des nutriments dans les mitochondries assure la synthèse de l’ATP et le transport des métabolites. Cependant, plus de la moitié de l’énergie est libérée sous forme de chaleur qui, chez les espèces endothermes, assure une température corporelle stable, indépendamment des conditions extérieures. De manière surprenante, la température des membranes mitochondriales générant de la chaleur et la régulation de la thermogenèse mitochondriale sont essentiellement inconnues. Pour répondre à ces questions fondamentales, nous utilisons une sonde fluorescente sensible à la température et ciblée a la mitochondrie. Ainsi, nous avons pu, pour la première fois, mesurer la température mitochondriale établie par les cellules intactes au cours de la respiration et nous avons montré qu’elle pouvait atteindre jusqu’à 50 °C. Cette découverte soulève de nombreuses questions concernant la biochimie, la physiologie et la pathologie mitochondriales et nous poursuivons l’étude de la thermogenèse mitochondriale et l’homéostasie de la température cellulaire. Nous nous intéressons particulièrement aux conséquences des dysfonctionnements mitochondriaux sur la capacité thermogénique des mitochondries et leur implication dans les phénotypes pathologiques.

2. Remodelage de la fonction mitochondriale au cours de la différenciation cellulaire. L’implication dans l’expression tissue-spécifique des maladies mitochondriales.

 Le métabolisme joue un rôle essentiel dans la prolifération et la différenciation cellulaire. Un remodelage métabolique vers une phosphorylation oxydative accrue survenant à certains stades de différenciation permet une production d’ATP plus efficace par les mitochondries. Il peut également affecter les intermédiaires du cycle de Krebs qui sont directement impliqués dans la régulation épigénétique de l’expression des gènes. Afin de comprendre le rôle des mitochondries dans la spécification du destin cellulaire, nous étudions le métabolisme mitochondrial au cours de la différenciation avec des cellules souches pluripotentes induites humaines (hiPSc). Nous nous intéressons particulièrement à l’impact des dysfonctions respiratoires sur le remodelage des mitochondries et à sa contribution dans l’expression tissue-spécifique des maladies mitochondriales.

3. “Les alternatives” en thérapie génique

 Une approche permettant de court-circuiter le blocage de la chaîne respiratoire par une voie alternative permettrait la thérapie d’un large spectre de mitochondriopathies. De telles enzymes alternatives sont présentes naturellement dans les plantes et les micro-organismes où elles agissent comme des valves de sécurité. Lorsque les complexes respiratoires III / IV et I sont bloqués, l’oxydase alternative (AOX) et les NADH déshydrogénases insensibles à la roténone (NDs) permettent de rétablir le flux d’électrons et l’équilibre redox. Cette capacité rend ces protéines particulièrement intéressantes pour le traitement des déficits mitochondriaux. Depuis plusieurs années nous sommes donc engagés dans des recherches sur les protéines alternatives. Cela dans le but de mieux comprendre des mécanismes physiopathologiques des dysfonctionnements respiratoires et de corroborer de nouvelles approches thérapeutiques.

4. L’ataxie de Friedreich

 Dans le but d’identifier les médicaments susceptibles de s’opposer à cette maladie mitochondriale, nous avons initié un essai clinique avec la Pioglitazone chez les patients ainsi que dans un modèle murin d’ataxie cérébelleuse (souris Harlequin). Les deux études ont mis en évidence l’effet bénéfique de la Pioglitazone dans une population de répondeurs, montrant l’importance du fond génétique dans la réponse au traitement, qui désormais devrait devenir un facteur clé dans la conception des essais pharmacologiques. Cette étude a également identifié une nouvelle cible de la pioglitazone dans la glycolyse, la GAPDH associé à une glycolyse excessive. Ainsi, les déséquilibres glycolytiques pourraient s’avérer un nouveau facteur pathogène dans les mitochondriopathies et une cible thérapeutique potentielle et nous poursuivant l’étude pour vérifier cette hypothèse.

5. Impact potentiel de l’usage à grande échelle des SDHi (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase)

Les SDHi sont désormais largement utilisés en France et dans le monde comme fongicides visant à limiter la prolifération des moisissures dans la culture de céréales, ou à mieux préserver de ces moisissures, fruits, légumes, graines et semences. Or l’on sait que la SDH est présente dans toutes les mitochondries, de toutes les espèces vivantes, depuis les micro-organismes jusqu’à l’homme. Il y a une vingtaine d’années environ, nous avons par ailleurs décrit que les pertes de fonction, partielles ou totales, de l’activité de la SDH causées par des mutations génétiques entraînent chez l’homme de terribles maladies neurologiques, ou l’apparition de paragangliomes (tumeurs de la tête et du coup) et aussi des cancers rénaux. De ce fait nous nous interrogeons sur les conséquences d’utilisations de ces inhibiteurs sur la santé humaine et pour l’environnement.

 

Contacts

Malgorzata Rak
NeuroDiderot, Inserm U1141
Hôpital Robert Debré
48 boulevard Sérurier
75019 Paris
malgorzata.rak@inserm.fr

 

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